Docteur Louis MELENNEC
4 rue Clément -75006 PARIS
Téléphone: 01.43.25.11.90
Certifié d´Etudes Spéciales
de Médecine Légale
Certifié d´Etudes Spéciales
de Médecine du Travail
Diplômé d´Etudes Médicales
Relatives à la Réparation
du Dommage Corporel
Licencié en Droit
Diplômé d´Etudes Supérieures
de Droit Public
Diplômé d´Etudes Supérieures
de Droit Privé
Diplômé d´Etudes Supérieures de
Sciences Criminelles
Docteur en Droit
Ancien Chargé de Cours
à la Faculté de Médecine
Ancien Chargé d´Enseignement
des Facultés de Droit
CONSULTATION ECRITE
Association de Défense pour les Présumés Coupables Innocents
12600 MENTIERES TAUSSAC
Affaire : J. L. M.
I LES FAITS.
1. Par ordonnance de transmission de pièces au Procureur Général de Montpellier, le Juge
d´Instruction Jean Marc A , conclut qu´il résulte de l´information effectuée par lui des charges suffisantes contre Monsieur l´abbé J. L. M., depuis un temps non couvert par la
prescription pour s´être livré, sur la personne de plusieurs mineurs de moins de quinze ans :
-
- à des actes de pénétration sexuelle par violences, menaces ou surprise;
- - à des attouchements de nature sexuelle, avec violence, contrainte, menace ou surprise.
Selon le juge d´instruction " ces faits constituent l´infraction qualifiée crime d´agressions sexuelles,
viols sur mineurs de quinze ans par personne ayant autorité ".
2. Par arrêt rendu le 1er mars 2000 par la Cour d´Assises du département de l´A. Monsieur M. est reconnu coupable :
-
- d´actes de pénétration sexuelle sur la personne de mineurs de quinze ans;
- - d´agressions sexuelles autres que le viol sur la personne de mineurs par violence, contrainte, menace ou surprise.
Monsieur M. a été condamné à la peine de dix ans de réclusion criminelle.
II MISSION D´EXPERTISE.
Après une consultation préliminaire au cours de laquelle j´ai estimé que mon intervention était de nature à permettre d´établir la vérité, compte tenu des anomalies et des contradictions relevées dans les pièces à moi communiquées, il m´a été adressé en date du 21 mars 2000 par l´Association de Défense pour les Présumés Coupables Innocents (ADPCI) la mission suivante :
- 1. "Vous apparaît-il plausible, compte tenu de l´âge, de l´état de santé et de la malformation congénitale présentée par Monsieur M., que celui-ci ait pu commettre le crime de viol qu´on lui a imputé ?
- 2. Les rapports des experts commis parla justice pour évaluer les capacités sexuelles de l´intéressé sont-ils conformes aux règles de l´art ?
- 3. Formuler tous éléments de nature à établir la vérité.
Nous attachons la plus grande importance à obtenir de votre part une consultation objective et impartiale propre à établir la vérité."
III DOCUMENTS COMMUNIQUES.
J´ai consulté avec soin tous les documents qui m´ont été communiqués.
- 1. Ordonnance de transmission de pièces au Procureur Général par Jean Marc A. , juge
d´instruction (huit pages).
- 2. Arrêt de la Cour d´Assises du département de l´A en date du 1er mars 2000 (six pages).
- 3. Arrêt de la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation en date du 31 janvier 2001 (sept pages).
- 4. Rapport d´expertise établi par le Professeur Jean Pierre S , chef du service d´urologie de l´hôpital Purpan à Toulouse, en date du 11 août 1997, l´expertise ayant été réalisée les 25 et 26 juin 1997 (quatre pages).
- 5. Rapport d´expertise en date du 12 octobre 1998 établi par le Docteur L., chirurgien des hôpitaux, expert près la Cour d´appel de Nîmes, sur commission du Président de la Chambre d´Accusation de la Cour d´Appel de Montpellier.
- 6. Rapport d´examen médico-psychologique en date du 23 juin 1997 établi parle Docteur B.-M. et R. T., sur la personne du jeune F. C.(deux pages).
- 7. Rapport d´expertise médico-psychologique établi le 10 octobre 1997 par Madame D.,
psychologue, sur la personne du jeune K.T. (onze pages).
- 8. Rapport d´expertise établi le 7 juin 1997 parle Docteur E. B., expert près la Cour
d´Appel de Papeete (quatre pages).
- 9. Rapport médico-légaux établis parle Docteur Gérard FILLAUDEAU, chirurgien urologue, les 15 juillet 1998 (quatre page), 31 octobre 1998 (trois pages), 27 avril 1999 (deux pages).
- 10. Rapport médico-légal établi le 18 mai 1999 par le Docteur Michel S., chirurgien urologue et andrologue.
- 11. Rapport établi parle Docteur Henri AMOROSO, expert prés la Cour d´Appel d´Aix en Provence (deux pages; pas de date).
IV DISCUSSION MEDICO-LEGALE.
1. Considérations préliminaires.
Le crime de viol étant défini par l´article 222-23 du Code pénal comme "tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu´il soit, commis sur la personne d´autrui" c´est à dire la pénétration par le sexe ou
dans le sexe, il est nécessaire de rappeler ici quelques notions de physiologie.
La pénétration - à moins que le sujet passif ne s´y prête avec complaisance ou en ait une longue
habitude - est un acte difficile, voire très difficile :
- - L´anus est fermé par deux muscles circulaires appelés "sphincters" : l´un à l´intérieur, a sa fonction avec le rectum (sphincter interne), l´autre dans sa partie terminale (sphincter externe).
Ces muscles sont particulièrement puissants.
- - II n´est pas fluidifié par des glandes comme celles du vagin.
- - La pénétration rétrograde de l´anus, pour quelques raisons que ce soit, se heurte à une résistance physiologique difficile à vaincre: la seule introduction du thermomètre est souvent douloureuse; de même le médecin qui se livre à un ´toucher rectal´ n´utilise qu´un seul doigt (l´index) recouvert d´un gant de caoutchouc, obligatoirement lubrifié ; cet acte est toujours péniblement ressenti et doit être conduit avec précaution.
2. Age de l´abbé M au moment des faits.
Les faits reprochés à l´abbé M se situent en 1995 et 1996. Au moment des faits, l´intéressé, né en 1929, est âgé de plus de 66 ans.
Comme chacun le sait, la puissance sexuelle de l´homme commence à diminuer - avec des variations
individuelles - à partir de la cinquantaine.
La considération de l´âge de l´abbé au moment des faits ne constitue certes pas une présomption
irréfragable, mais un facteur dont il doit être tenu le plus grand compte, confronté à ce qui a été exposé ci-dessus et à ce qui suit.
A partir de 65 ans, la majorité des sujets peuvent encore se livrer à un coït vaginal ; plus ils avancent en âge, plus ils doivent compter sur la ´compréhension´ de leur partenaire; une aide manuelle est souvent nécessaire.
A 70 ans, la grande majorité des hommes ont perdu leur puissance sexuelle, qui ne se manifeste plus que d´une manière intermittente, et avec une efficacité très diminuée.
La seule considération de l´âge de l´abbé M. au moment des faits (66 ans et 67 ans), donne à
penser qu´il n´avait plus la puissance sexuelle suffisante pour se livrer à un coït anal, dont nous avons exposé plus haut les difficultés.
3. Affection cardiaque sévère présentée par l´abbé M.
L´acte sexuel, surtout s´il est effectué par voie anale, exige une capacité d´effort importante.
Outre les considérations - de l´âge, au moment des faits l´abbé M. ne possède manifestement
plus les capacités physiologiques nécessaires à l´accomplissement des actes qu´on lui reproche.
- - Depuis de nombreuses années, il présente une artériosclérose généralisée.
- - Monsieur M. était connu pour avoir des antécédents cardiaques graves (rapport du professeur
S. daté du 11 août 1997). II avait été hospitalisé dans le service de cardiologie de l´hôpital
Purpan au mois d´avril 1992 pour un infarctus du myocarde. Une angioplastie avait été réalisée la même année.
- - Il était régulièrement suivi par un cardiologue et consommait un traitement médicamenteux lourd.
- - Lors de son hospitalisation dans le service d´urologie aux fins d´expertise par le Docteur S., il a présenté des douleurs coronariennes qui ont motivé son transfert dans le service de cardiologie du pavillon Baudot.
- - Les examens complémentaires réalisés alors ont montré une atteinte grave des artères du coeur : lésions coronariennes diffuses, avec menace d´obstruction bitronculaire de la coronaire droite à son ostium, et de l´inter ventriculaire antérieuremoyenne. Les branches de l´artère circonflexe se sont révélées de mauvaise qualité. Les lésions coronariennes ont été considérées comme évolutives depuis cinq à six ans. Le risque d´obstruction a été considéré comme supérieur à 40 pour 100.
- - A ce moment, il a été prescrit de l´Héparine, du Rhizordan, du Sectral, de l´aspirine, du Bitildiem, du Lexomil, du Praxilène, du Stilnox.
- - Une dilatation coronaire a été nécessaire en 1997 (rapport du Docteur J. -F. L., daté du 12 octobre 1998).
La seule considération - de l´état cardiologique de Monsieur M. au moment des faits constitue une présomption forte pour admettre qu´en 1995 il n´avait plus les capacités physiques d´effort nécessaires pour accomplir les actes qu´on lui reproche.
4. La preuve quasi péremptoire de l´impuissance sexuelle de l´abbé M est rapportée par les examens complémentaires qui ont été effectués à plusieurs reprises par les experts et par
la nature du traitement médical en cours.
- a) Une plétismographie de la verge a été réalisée par le professeur S. , chef du service d´urologie de l´hôpital Purpan, dans le cadre de l´expertise ordonnée par le juge d´instruction
P.. Cet examen simple et très fiable, destiné à évaluer les capacités érectiles en dehors de
tout stress, a été renouvelé le 25 juin et le 26 juin 1997 :
- - Dans le courant de la nuit du 25 juin 1997, deux accidents érectiles sont survenus, avec augmentation de trois centimètres à la base, et de deux centimètres et demi à la partie distale du pénis, avec une rigidité faible de l´ordre de 60 pour 100.
- - Dans la nuit du 26 juin 1997, trois érections ont été observées, de qualité également médiocre, la rigidité étant de l´ordre de 65 pour 100. La durée de ces érections incomplètes n´a pas dépassé vingt minutes.
- b) Un test complémentaire a été réalisé au moyen d´un appareil à dépression (vacuum) lors de l´expertise pratiquée par le Docteur , chirurgien des hôpitaux, urologue, commis par
ordonnance du Président de la Chambre d´Accusation de la Cour d´Appel de Montpellier, en date
du 2 octobre 1998.
L´appareil à dépression permet l´afflux du sang dans les corps caverneux et est susceptible, chez le sujet normal, d´entraîner une érection.
L´expert a observé qu´ "on note une possibilité d´extension de trois centimètres de la verge par rapport à la position de repos obtenue par la traction exercée sur la verge et par le vacuum... Cela conduit à une érection de qualité médiocre".
Cet examen apporte une présomption supplémentaire de poids. Observation étant faite que
l´épreuve au vacuum ne peut être considéré comme un test d´érection, l´expert L. a constaté
que l´induration obtenue n´était pas complète, correspondait à une simple intumescence, non à
une érection. L´expert commente lui-même le résultat de son examen en observant que
l´augmentation de volume de la verge est médiocre.
- c) Le Docteur P. S. , urologue, lors de son expertise du 26 juin 1997, a procédé à un
test complémentaire, l´injection de Prostaglandine intra-caverneuse, de 20 microgrammes.
L´injection n´a pas été suivie de tumescence, encore moins de rigidité pénienne.
- d) Le test a été renouvelé par le DocteurS., urologue et andrologue, le 18 mai
1999, à la demande du Docteur F., urologue consulté par Monsieur M.
Le Docteur S. observe :
" Nous avons pratiqué une rigidimétrie en temps réel (rigiscan), après injection infra-caverneuse de 20 microgrammes de Prostaglandine El (dose maximale disponible). Le résultat de l´enregistrement, réalisé sur trente minutes, fait apparaître une tumescence modérée, sans
rigidité.
La stabilité des résultats à deux ans d´intervalle peut permettre de préjuger que l´état pénien du patient était probablement identique au moment des faits qui lui sont reprochés.
La tumescence obtenue avec cette forte dose de Prostaglandine El, avec une absence de rigidité,
ne permet pas une pénétration anale sur un adolescent non consentant".
- e) A tout cela, il faut ajouter qu´au moment des faits, l´abbé M., traité pour une hypertension artérielle consommait plusieurs médicaments, dont le Bitildiem et le Sectral.
Or, le Sectral fait part des bêtabloquants, médicamenteux qui ont la propriété de diminuer les
érections, voire de les empêcher.
5. Anomalies anatomiques des organes génitaux de l´abbé M.
L´abbé M. présente un phimosis d´origine congénitale, d´après les témoignages de son médecin
traitant, le Docteur C.M..
Chez le sujet normal, non circoncis, l´extrémité distale de la verge (gland) est recouverte par un repli cutané souple, appelé prépuce. Lors de l´érection le gland se découvre, permettant à la pénétration de s´accomplir normalement.
Le phimosis est un rétrécissement du canal du prépuce rendant le "décalottage" (c´est à dire la découverte du gland) impossible. Cela n´empêche pas l´érection mais rend l´acte sexuel, dans la plupart des cas, impossible, au minimum douloureux.
L´abbé M., de surcroît, est affligé d´une forme particulièrement sévère de cette malformation : le canal prépucial, long de six centimètres, rend le décalottage totalement impossible. Cette forme particulière est dite "en trompe d´éléphant".
L´intervention de circoncision n´avait pas été jugée utile dans la jeunesse de l´intéressé, celui-ci, suivant des études au petit séminaire, se destinant au sacerdoce.
La forme particulière de l´anomalie des organes génitaux de l´abbé M., permet d´affirmer que, même si par ailleurs il avait jouit d´une santé normale, l´acte sexuel de pénétration eut été chez lui, ou très contrarié ou impossible.
6. Anomalies contenues dans les rapports des experts.
Les constatations ci-dessus sont suffisamment troublantes (pour user d´un euphémisme) pour permettre d´être plus sommaire sur les anomalies relevées dans les rapports d´expertise.
- a) Le Professeur J. S. , urologue, ayant procédé à l´expertise de Monsieur M. les 25 et 26 juin 1997 a conclu, à l´issue de son examen clinique que l´on n´observe "aucun signe
d´obstruction du bas appareil urinaire" et que "la verge est cliniquement normale".
II y a là une anomalie grave : si comme il l´affirme, l´expert a examiné la verge de Monsieur M.
comment peut-il constater qu´elle est normale ? S´il ne l´a pas examinée, comment expliquer qu´il n´ait
pas recherché d´une manière systématique un phimosis, étape capitale et étape importante dans
toute expertise visant à établir la réalité d´un viol ?
Chacun mesurera combien est "regrettable" cette lacune.
- b) Les experts, à différents stades de leurs examens et explorations, semblent avoir préjugé de la culpabilité de l´abbé M., alors que l´instruction était en cours et qu´il s´agissait, en tout et pour tout d´établir la vérité, sans aucun préjugé à l´encontre de la personne mise en examen, pas davantage d´ailleurs à l´encontre des personnes ayant déposé une plainte.
A plusieurs reprises, notamment, j´observe que les experts - précisément lors des examens médico-
psychologiques des enfants en cause, parlent de "l´agression " dont ils ont été victimes !
La formation des médecins, plus encore des médecins experts, postule que l´on apprenne à ceux-ci
de ne jamais utiliser dans leurs certificats ou dans leurs rapports médico-légaux des termes affirmatifs péremptoires, là où il s´agit de simples allégations des victimes vraies ou prétendues.
Le médecin traitant ne doit jamais écrire: " Monsieur DURAND a été victime d´une agression
volontaire ce jour ..." mais: " Monsieur DURAND affirme avoir été victime d´une agression volontaire ce jour". Ou encore, il est interdit d´écrire : " Monsieur DUPOND se plaint de céphalées, de vertiges, de troubles du sommeil ..." mais: " Monsieur DUPOND affirme qu´il souffre de céphalées, de vertiges, de troubles du sommeil ...".
De même les experts doivent-ils être particulièrement prudents s´ils veulent éviter que les lecteurs de leurs rapports ne concluent péremptoirement alors qu´il s´agit d´éléments dont la véracité n´est pas
établie, à utiliser des phrases et des expressions traduisant fidèlement d´une part ce qui est allégué par les victimes ou les demandeurs, d´autre part ce qui est constaté anatomiquement lors de l´examen clinique objectif.
- c) Libellé des conclusions expertales.
Le plus grave de la part des experts consiste à avoir perverti le raisonnement médico-légal dont ils devraient, inscrits sur les listes officiels, avoir une parfaite maîtrise. L´expertise médico-légale, dans les affaires telles que ci-dessus, est rarement un acte strictement scientifique, un simple constat objectif dont il est possible de tirer d´emblée des conclusions fermes et définitives.
L´expert a mission, dans un premier temps, d´étudier ce que l´on appelle les "commémoratifs", c´est à dire l´historique précis des faits.
Puis il recueille les "doléances", c´est à dire les allégations des personnes qu´il examine ou qu´il entend, en prenant bien garde de ne pas croire tout ce qui lui est dit comme étant l´expression de la vérité.
Viennent ensuite les constatations objectives de son examen, complété dans la mesure du possible
par des explorations complémentaires (dosages sanguins, radiographies, scanners ... ).
Du tout résulte la conclusion qu´il est possible de tirer de la synthèse des éléments recueillis.
La manière dont est conduite cette ultime opération est capitale, la manière de la rédiger plus encore.
Une maladresse dans la rédaction de la conclusion du rapport peut, à elle seule, induire dans une fausse direction la décision du tribunal ou des jurés. Ce point est tout à fait essentiel. Dans la présente affaire, après avoir méthodiquement recueilli toute une série d´éléments probants, les uns et les autres très convaincants en faveur de l´innocence de la personne mise en examen,
ils auraient du conclure de la manière qui suit:
" Compte tenu des antécédents médicaux sévères de l´abbé M., compte tenu des anomalies
observées lors de l´examen clinique, des données concordantes et fiables fournies par les examens complémentaires répétitifs, nous pouvons affirmer qu´il existe en faveur de la personne mise en
examen des présomptions graves, précises et concordantes pour dire qu´au moment des faits,
il n´a médicalement pas pu accomplir les actes de pénétration anale qu´on lui reproche, actes
constitutifs du crime de viol".
Au lieu de cela, ils ont conclu d´une manière telle, que le raisonnement des lecteurs des rapports médicaux a été orienté dans une autre direction :
" En tout état de cause, Monsieur M. paraît toutefois capable d´avoir des érections suffisantes pour permettre une intromission" (rapport du Professeur S. en date du 11 août 1997).
Et encore :
" Les érections sont de qualité moyenne; elles sont quand même possibles ... Le prépuce est suffisamment long et souple pour permettre un acte de pénétration, même par sodomie, dans la mesure où l´érection serait correcte... Il est possible qu´avec d´autres stimulis d´ordre psychologique, la qualité de l´érection, en ce qui concerne la rigidité, pourrait être meilleure". (rapport du Docteur L. en date du 12 octobre 1998).
L´un des examens médico-légaux, établi le 23 juin 1997 est tout à fait surprenant. Alors que la
pénétration anale prétendue n´a pas entraîné de saignement, que l´expert constate que la berge anale n´est pas déformée, que les plis radiés de l´anus sont indemnes de toute trace cicatricielle, qu´il est observé comme seule constatation une zone érythémateuse près de l´orifice anal (c´est à dire une irritation de la muqueuse de couleur rosée, susceptible d´être imputée par exemple à une lésion de prurit occasionnée par un grattage digital), l´expert n´hésite pas à écrire : " L´examen médico-légal complet du jeune F. C, notamment, de la région anale, est en faveur d´une ou de plusieurs pénétrations traumatiques et partielles... Les traces que j´ai observées ne présentent aucun caractère évolutif; elles remontent à au moins huit mois avant l´examen".
Là, on demeure stupéfait: alors que la pénétration prétendue n´a occasionné aucun traumatisme,
aucun saignement, aucune blessure, l´expert prétend recueillir des traces anatomiques de ce
prétendu viol ...... huit mois plus tard !!!
C´est ici que les choses deviennent d´une extrême gravité.
En droit, le doute bénéficie à l´accusé. Lorsque les présomptions recueillies en faveur de son innocence sont graves, précises et concordantes, celui-ci doit juridiquement être considéré comme innocent.
Dans le cas présent, on ne peut certes pas dire que les présomptions en faveur de l´abbé M. soient totalement irréfragables. Il persiste un doute. Mais ce doute est extrêmement léger.
S´il y avait à chiffrer la présomption d´innocence de l´abbé M., on pourrait dire qu´elle est de 95 pour 100, et que la présomption de culpabilité, compte tenu des éléments médicaux précis et concordants recueillis est inférieure à 5 pour 100.
Il est des fautes qu´il n´est pas permis aux experts officiels de commettre. Lorsque, ayant fondé l´attestation d´expertise médico-légale en 1972, je me trouvais en présence d´un candidat qui libellait les
conclusions d´un rapport de la manière ci-dessus, je ne le lâchais jamais dans la nature avant qu´il ait bien assimilé, dans l´intérêt de la justice et des justiciables, les principes élémentaires ci-dessus.
V CONCLUSION MEDICO-LEGALE.
Réponse à la première question : II ne m´apparaît pas plausible que l´Abbé M. ait pu commettre le crime de viol qu´on lui impute, ceci pour plusieurs raisons concordantes :
- Au moment des faits, il était âgé de 67 ans;
- Il présentait une affection cardiaque grave, réduisant d´une manière très importante ses capacités d´effort;
- Il présentait une malformation congénitale de la verge (phimosis serré) rendant quasi impossible un acte de pénétration anale ;
- Les examens spécialisés (plétismographie, test au vacuum, test à la prostaglandine), démontrent que ses capacités érectiles étaient extrêmement diminuées et, en toute hypothèse, insuffisantes pour réaliser un coït anal ;
- En 1995, époque des faits reprochés, il suivait un traitement bêtabloquant, thérapeutique réputée diminuer fortement, voire anéantir, les capacités érectiles.
L´addition de l´ensemble de ces éléments équivaut à une quasi certitude : en 1995, l´abbé M., au plan médical, n´a pas pu perpétrer le crime de pénétration anale qu´on lui impute.
II subsiste un doute, quasi insignifiant, inférieur à 5 pour 100 de probabilité en toute hypothèse.
Réponse à la deuxième question : Bien que les expertises ont été - globalement - correctement conduites dans leur déroulement, elles comportent de graves lacunes :
Certaines préjugent de la culpabilité de l´abbé M., alors que l´instruction est en cours et qu´il s´agit, en tout et pour tout d´établir la vérité ;
Alors que les experts ont, au cours de leurs opérations, recueilli des présomptions graves, précises et concordantes en faveur de l´innocence de l´abbé M., ils libellent leurs conclusions d´une manière telle que le raisonnement des lecteurs des rapports est orienté en sens résolument contraire ; en d´autres termes, les conclusions des experts démentent leurs constatations objectives.
Réponse à la troisième question : La morale, le droit européen, le droit français me font obligation d´intervenir dans la présente affaire, dès lors que les éléments du dossier m´ont été communiqués et que les ayant étudiés dans un strict souci d´objectivité, il m´apparaît que mon devoir est de collaborer à l´établissement de la vérité.
L´abbé M. est fondé à mettre en ceuvre les procédures visant à obtenir la révision de son procès, et les expertises établissant les dysfonctionnements et les fautes dont je pense qu´il a été victime ;
Afin d´être certain que le présent rapport serve exclusivement l´intérêt de la vérité, j´ai pris le soin de confronter mon opinon avec les services spécialisés de sexologie, d´andrologie, d´urologie de l´hôpital Raymond Poincaré (Garches), de l´hôpital du Kremlin Bicêtre, de l´hôpital Pitié Salpétrière.
Paris, le 18 avril 2001
Docteur Louis MELENNEC
Cofondateur de l´Attestation d´expertise médicale
Ancien membre de la Cour Nationale de l´Invalidité
Ex consultant près le Médiateur de la République Française.