Charles DUCHAINE, qui a occupé les fonctions de Juge d'instruction de la
Principauté de MONACO de 1995 à 1999, vient de publier chez PLON un ouvrage
qui fait sensation, sous le titre "juge à Monaco". Tiens donc ! A Monaco aussi ?
Trafics en tous genres, blanchiment d'argent, corruption, impossibilité de poursuivre
ou d'iéute;quiéter les puissants, etc.
Dans le cadre du feuilleton des "médecins au noir", le docteur Mélennec ui écrit la
lettre que voici :
Lettre à M. le juge de Grande Instance DUCHAINE
Tribunal de Bastia ( CORSE )
Sur le népotisme et la manipulation de la justice par les politiques
Monsieur le Juge,
Nous sommes de plus en plus nombreux à souhaiter que la lumière soit faite sur le
fonctionnement de nos tribunaux - toute la lumière -, dans ces affaires glauques et
malsaines qui mettent en cause les puissants du jour. Des juges ont "cafté" ( enfin
1 ), ont répondu aux journalistes, ont publié des livres. Nous avions tout cela depuis
longtemps, mais quiconque aurait parlé s'en serait repenti : l'appareil répressif se
serait abattu sur lui avec férocité, et l'aurait broyé Chacun courbait l'échine, tout en
ayant honte, tous les matins, de se regarder dans le miroir.
Des travaux ( partiels ) ont été publiés sur les exactions du prétendu Président MITTERAND quant aux interventions personnelles quasi quotidiennes dont il se rendait coupable, pour infléchir le cours de la Justice. Rien n'échappait à la sagacité de ce brave homme, tout l'intéressait : non point seulement les tribulations, manoeuvres et entreprises douteuses de ses adversaires comme de ses amis politiques, non point seulement les affaires pénales, mais aussi les divorces, les faillites, les adoptions, les permis de chasse, les accidents de la voie publique, du travail, domestiques, les pensions civiles et militaires, les redressements fiscaux et les vérifications à diligenter, etc. Les nominations dans les hauts postes de responsabilité étaient é l'avenant: non pas dictées, comme le croyait le menu peuple, selon le mérite et la compétence des impétrants, mais chaque fois que cela était possible, en fonction des services rendus, de la complicité ou de la proximité politique, de l'aptitude, surtout, à rendre service chaque fois qu'on en aurait besoin. Ainsi vit-on - parmi d'innombrables exemples -, désigner en qualité de membre du Conseil supérieur de la magistrature, un "ami dont la loyauté (sic) nous sera totalement acquise", plutôt que tel autre, "d'un dialogue assurément plus difficile (re- sic)". Des hommes éminents, intègres, d'une rigueur intellectuelle et d'une honnêteté irréprochable, furent sacrifiés par dizaines à l'insatiable appétit des nouveaux maîtres du pays.
Les traces écrites de ces interventions en tous genres ont, par bonheur, été
conservées, du moins pour un certain nombre d'entre elles. Pour les affaires les
plus importantes, elles se sont déroulées, sans témoins, sous les lambris des palais
nationaux, loin des témoins indiscrets et compromettants.
Qu'il y ait eu de la crapule au sommet de l'Etat ne surprend personne : c'est chose
ordinaire dans notre démocratie, le pain quotidien dont s'alimentent nos élus. Mais
comment comprendre, comment admettre à l'autre bout de la chaîne, que l'appareil
judiciaire lui-même ait pu fournir des complices pour accepter de jouer ce jeu
répugnant ? Comment imaginer que l'Elysée ait pu adresser un bordereau au
directeur de cabinet du ministre de la Justice pour "souligner que la requérante est
une relation de M. le Président de la République" et "qu'il y a lieu d'attirer sur cette
affaire l'attention de M. le procureur général" ? On frémit d'horreur en lisant de
telles abominations, qui ont été légion au cours des deux dernières décennies,
parmi quelques myriades d'autres, dans tous les rouages de l' Etat et de
l'administration. Les procureurs généraux savent-ils qu'en infléchissant la justice en
faveur du coupable, on condamne l'innocent à sa place ? Peut-on, si cela se
produit, trouver le sommeil la nuit ? Non ! En matière de justice, les socialistes n'ont
de leçons a donner personne. M. Amaud de Montebourg, à cet égard, devrait se
montrer beaucoup plus discret.
Savez vous, monsieur le juge, que l'administration française emploie "au noir" plus
de cinq mille médecins, qui ne sont déclarés ni aux caisses de sécurité sociale, ni
aux caisses de retraite, ni aux ASSEDIC, pour lesquels l'Etat-employeur se
dispense unilatéralement de verser les cotisations obligatoires que la loi met à sa
charge, ne leur délivre pas de bulletins de salaire, ne leur verse ni indemnités
journalières en cas de maladie, ni indemnités de congés payés, ni indemnités de
licenciement, ni pensions ou rentes d'invalidité ou d'incapacité en cas de handicap
grave et définitif, refuse de leur servir les pensions de retraite auxquelles ils ont
droit, après trente années ou davantage de loyaux services ? Savez vous que l'Etat
a été condamné à plus de trente reprises par les juridictions administratives et de
l'ordre judiciaire, et qu'il a préféré laisser mourir les intéressés plutôt que de leur
verser les dommages et intérêts qui leur étaient dus ?(1).
Savez vous encore que, quoique vingt députés et sénateurs soient intervenus dans
cette hallucinante affaire, l'administration délinquante continue son commerce en
toute impunité, que les fonctionnaires impliqués vont à leurs affaires en toute
liberté. ? Pire: que le parquet de Paris, saisi à plusieurs reprises, a éludé les
plaintes des intéressés au motif, là où des infractions innombrables sont
notoirement commises chaque jour, que "les relations de travail pour le compte de
l'Etat ou d'organismes publics ne relèvent pas de l'application du Code du travail"
sic ) ? Alors que toute concierge, même analphabète, sait que l'employeur qui ne
déclare pas ses employés aux organismes sociaux, ne paie pas ses cotisations et
ne délivre pas de bulletin de salaire est un employeur illégal, et qu'il relève de
peines d'amende et de prison, par quel miracle le parquet de Paris, seul de son
espèce, ignore que la loi pénale a une portée universelle, et que quiconque la viole
- à plus forte raison s'il s'agit de personnes remplissant au nom des citoyens des
fonctions de haute responsabilité -, relève ipso facto du tribunal correctionnel ?
Serait-ce l'opération du Saint Esprit ?
Marylise le Branchu vous aura-t-elle félicité avant de repartir dans sa campagne
bretonne ? J'ai quelques doutes là-dessus : je l'avais saisie, à trois reprises
consécutives, in personam, de l'affaire des médecins "au noir". Ma première lettre
fut "perdue" ; pour la seconde, on me donna l'assurance que son cabinet travaillait
avec ardeur à la recherche d'une solution ; mais le 3 mai, deux jours avant son
départ définitif, mes trois lettres avaient à nouveau été perdues, corps et biens. Ah,
la brave femme ! .
Nous nous doutons bien, Monsieur le juge, que votre livre ne vous vaudra, ni brillante promotion, ni récompense d'aucune sorte.
En tout cas pas tout de suite. Mais je veux vous dire que nous sommes des millions
de citoyens - probablement des dizaines de millions - qui attendent avec avidité
que des magistrats courageux révèlent au pays ce qu'on leur cache depuis toujours.
Mesdames et messieurs Joly, Vichnievski, Gallot, Halphen, Jean-Pierre, Fenech, et
d'autres, ont ouvert la voie : nous sommes en chemin vers une Justice plus saine et
plus honnête.
Viendra-t-il le jour où les fripons qui, dans l'appareil judiciaire, s'associent aux
manoeuvres honteuses que vous dénoncez, seront placés en pension durablement
là ou est leur place naturelle : derrière les barreaux ?
Croyez, Monsieur le juge, à l'assurance de mes sentiments très sincères,