Anne de Bretagne a-t-elle sauvé la Bretagne ?
ou
comme l'accusent ses détracteurs
a-t-elle collaboré avec l'ennemi ?

Il est évidemment impossible de répondre d'une manière motivée à une question aussi vaste. Un volume n'y suffirait pas.
Je connais particulièrement bien le sujet, pour y avoir consacré des années de recherches, dont les résultats remplissent plusieurs cahiers de notes manuscrites. Je n'aurai pas le temps, probablement, de les mettre en ordre, ni de les publier. Mais j'attends avec impatience le moment de faire sur le sujet une conférence télévisée, qui sera entendue de tous les Bretons. Ils découvriront enfin quelle femme admirable Anne de Bretagne a été, combien elle a aimé son Pays et "ses" Bretons.
Un pamphlétaire, qui se dit historien, a publié chez un éditeur connu, il y a quelques années, un fort méchant ouvrage (vous l'avez identifié, il est inutile de citer son nom) qui a consterné les Bretons qui l'ont lu. Rassurez vous: l'homme dont il s'agit a pour métier de dénigrer la Bretagne (en réalité, de régler ses comptes, peut-être avec lui-même), sans consulter les documents, sauf ceux qu'il trouve chez les autres. Il va fort vite en besogne: un gros volume tous les six mois, alors qu'il faut DE LONGUES ANNEES pour traiter un sujet aussi complexe).
En attendant ce jour ou une équipe de Bretons me proposera de refaire ce que j'ai fait au Sénat de la République française, je vais vous fournir quelques éléments, sommaires, de réponse.
Anne est la fille de François II, dernier Duc régnant, père affectueux , mais politiquement incapable, peu intelligent, adonné aux plaisirs, inapte à lutter efficacement contre son redoutable adversaire, Louis XI.
La Bretagne est envahie à deux reprises par les Français, en 1488, et en 1491.
Après la mort de son père, elle devient Duchesse régnante, jusquà sa mort, en 1514.
C'est une petite fille vive et sensible, qui se révèle très vite mature.
En décembre 1490, elle épouse le prince le plus prestigieux d'Europe, Maximilien d'Autriche, roi des Romains, fils de l'Empereur du Saint Empire, Frédéric III, comme tel destiné à devenir Empereur lui même.
Ce premier point est important.
Il s'agit d'un mariage politique: "coincer" l'ennemi français à l'Est par les armées de Maximilien, à l'Ouest par les armées bretonnes. En 1491, peu après le mariage religieux, célébré à Rennes, la Bretagne est à nouveau mise à feu et à sang par les armées françaises. Comme on sait, le triste vicomte de Rohan combat aux cotés de l'ennemi, avec lequel il a conclu un pacte.
Anne, après des mois de pression morale, accepte d'épouser le Roi de France, Charles VIII.
Les témoignages concordent: Anne déteste ce personnage, mais c'est le seul moyen de sauver ce qui reste de la Bretagne. Elle sacrifie sa personne pour son peuple, alors qu'il lui est proposé la sauvegarde de s'embarquer pour rejoindre Maximilien, si elle le souhaite. Ce sacrifice n'est pas une légende, les pièces conservées sont probantes. Elle regrettera toute sa vie ce mariage. ne cessera de penser qu'elle a agi contre la loi divine, et que la mort des six enfants qui naissent de son union avec le roi de France est la conséquence de sa faute.
En 1498, Charles VIII meurt à Amboise.
Les actions d'Anne sont admirables: elle rétablit le Gouvernement breton, désigne un chef pour les armées bretonnes, et rentre à Nantes. Son plus bel acte, qui à lui seul doit lui valoir la reconnaissance éternelle de son peuple, est de négocier avec son futur mari, Louis XII, un Traité qui rétablit la Bretagne dans tous ses droits, et surtout, qui assure l'avenir du pays: celui-ci conserve ses attributions souveraines; il sera gouverné, ad vitam aeternam par un Duc, totalement indépendant de la France, comme par le passé.
N'ayant pas eu d'enfant mâle de son mari, elle s'oppose de toutes ses forces, avec une énergie peu ordinaire, aux fiançailles de sa fille Claude avec François d'Angoulême, le futur François Ier, dont elle ne pressent que trop que, elle disparue, Claude n'aura pas la force de s'opposer à son mari . On sait que celui-ci, avec l'aide de son Chancelier , le Cardinal Duprat, et le concours de quelques "collabos" bretons, annexera le Duché, par des actes qu'on a eu l'impudence de désigner sous le nom de "Traité de Réunion (sic) de la Bretagne à la France".
La matière est si riche, et les péripéties souvent si incroyables, que nous nous aurons l'occasion d'y revenir, et longuement encore.
A ce stade, soyez assuré que si Anne a aussi été une reine de France dévouée (mariée au roi Louis XII, et ayant conclu un Accord avec lui garantissant la souveraineté de la Bretagne, elle a toutes les raisons d'être loyale à l'égard du Pays de son mari), elle n'a vécu que pour la Bretagne.
Elle ne s'est jamais considérée comme française.
Pour une raison simple: elle ne l'était pas. Pas plus que nous mêmes: nous sommes bretons, point c'est tout.
Je réponds sommairement à votre question: jamais, au grand jamais, je n'ai décelé chez Anne de Bretagne, à travers les textes innombrables que j'ai lus, la moindre trace de complicité ou de complaisance à l'égard de la France; partout, au contraire, j'ai rencontré chez elle une fidélité plus qu'exemplaire à son Pays.
Je suis scandalisé que certaines accusations continuent à être colportées sur son compte.
Je ne connais qu'un ouvrage qu'on puisse raisonnablement conseiller: celui de mon ami Philippe Tourault, professeur à la faculté d'Angers. C'est un auteur que vous connaissez: il est à l'origine du contentieux récent sur Nominoé, auquel il dénie la qualité de Roi.
J'en ai débattu à la radio avec lui, très courtoisement.
Dans le fond, nos opinions ne sont pas foncièrement divergentes. Dans les actes que nous avons conservés, Nominoé n'est jamais - sauf une fois, dans les annales de l'abbé Réginon de Prum - désigné sous le titre de "Rex". Mais il est Roi de fait: il est le Chef militaire qui, pour la première fois, a réuni sous son commandement unique tous les Bretons, et a effectivement régné sur la Bretagne, en exerçant sur le Pays les pouvoirs souverains.
Il y a une dizaine d'années, j'ai conseillé à Jean Kerhervé de confier à l'un de se élèves une thèse sur Anne de Bretagne. J'ai conservé sa lettre.
Du temps de madame Millin, j'ai aussi proposé à TV Breizh de me confier une série de conférences télévisées sur l'histoire de Bretagne.
Nous trouverons le moyen de faire tout celà sur Internet.


LOUIS MELENNEC


Portail Breton

J . L . B .  Réalisations

Valid XHTML 1.0 Transitional