Internet permet ce miracle, annoncer l´actualité en différé...7 ans après .
Sept ans après, qu´a fait Marie-Lou pour la langue bretonne, et pour que soit abattu le mur de la honte ?
Avec sa souplesse d´échine habituelle, la presse bretonne n´a pas, en son temps annoncé cette manifestation qui, on va le voir, créa quelque stupeur dans la grande salle de réception du ministèèe des petites et moyennes entreprises.
Madame Lebranchu, dont
beaucoup ignorent qu´elle est
Ministre des petites et
moyennes entreprises, tant
elle a peu brillé dans ce poste
- avait convoqué la colonie
bretonne de Paris pour les
voeux de la nouvelle année,
dans le grand salon de son
Ministère, 80 rue de Lille, tout
près de l´Assemblée Nationale des français.
Un Breton
motivé est venu perturber la
cérémonie.
Fatiguée, la Marylise : voix
terne, monocorde, sans relief ni
couleur ; propos d´une banalité
à pleurer : la solidarité nationale, la beauté de la Bretagne,
la marée noire, le P.A.C.S.
comme critère du progrès du
genre humain, etc.
Manifestement, elle découvre son discours en le lisant.
L´auditoire, résigné, se dit, à part
lui : encore un discours pour
rien. Au moins, on n´est pas
déçu, car il est vrai qu´on n´attendait rien. Un petit miracle se
produit alors. Le docteur Mélennec, ancien consultant auprès
du Médiateur de la République,
ex-candidat à sa succession,
monte à la tribune, où on ne l´attendait pas :
«Madame le Ministre et
chère compatriote, nous vous
remercions chaleureusement
de bien vouloir nous convier,
chaque mois de janvier, à recevoir vos voeux, et à grignoter les
petits fours de la République.
Pourtant, il semble à beaucoup
d´entre nous que vos propos
sont vagues, qu´ils n´abordent
pas les questions qui préoccupent les Bretons de l´an 2000.
Vous me permettrez, avec courtoisie, de vous interroger, vous
et votre gouvernement, sur les
problèmes auxquels nous désirons maintenant que vous vous
attaquiez avec détermination.
Le premier concerne l´unité territoriale de notre pays.
La Loire-Atlantique est le
joyau historique de la Bretagne ;
elle est l´Alsace Lorraine des
Bretons, le département le plus
cher à leur cœur. La situation
actuelle est aberrante, elle
constitue un défi aux Droits des
gens. La division de notre terri
toire national est aussi honteuse, aussi intolérable que fut
le mur de Berlin, abattu en 1989.
La partition de notre pavs alimente des rancoeurs féroces
dont les conséquences risquent
d´être incalculables s´il n´y est
mis un terme. Voici ma première
question : qu´entend faire votre
gouvernement pour rétablir ce
Droit, que nous considérons
comme sacré : le rétablissement de l´unité territoriale de
notre cher pays ?».
La foule - plusieurs centaines de personnes - médusée,
s´approche de l´orateur, l´en-
toure, des applaudissements
éclatent : «Bravo, bravo, continuez, merci, merci !».
Un gros monsieur, à l´allure
vulgaire, au premier rang, apostrophe violemment le docteur
Mélernnec : «Qui êtes-vous,
que représentez-vous ?».
L´orateur imperturbable
«Je représente la Bretagne,
monsieur ; la Vraie ». II poursuit, calmement : «Le
deuxième problème est celui de
notre langue. La langue bretonne est la langue nationale de
nos ancêtres. Elle avait déjà ses
règles de versification avant
même que le français ne soit
sorti des limbes. Cette langue
est celle de nos parents ; nous
l´aimons, même si aujourd´hui,
par la faute de la politique de la
France, nous ne savons plus la
parler. Elle doit être préservée
comme un trésor, ce qu´elle est.
Tous, nous souhaitons qu´elle
soit enseignée dans nos écoles,
si possible, dès la maternelle.
Madame le Ministre, notre
langue, composante si essentielle de notre identité, est en
train de mourir. Voici ma
deuxième question : qu´entendez-vous faire, vous et vôtre
gouvernement pour mettre un terme à ce crime ?».
A ce stade, une partie de la
foule trépigne de joie. L´autre,
venue pour les petits fours et le
champagne, s´indigne. Le micro
est coupé. Plusieurs voix vocifèrent, dans le fond de la salle ;
«C´est un scandale, on censure
la Bretagne ! Nous en avons
assez, assez, assez ! La Bretagne a le droit de s´exprimer !
Parlez, parlez, dites ce que
vous avez à dire, nous sommes
avec vous !».
L´orateur regarde la salle,
satisfait de l´accueil qui lui est
fait, dont, visiblement, il n´avait
pas douté : «Mes amis, vous
savez comme moi ce qu´il en est :
vous n´avez rien à attendre de
ceux qui font carrière dans les
allées du pouvoir. Marylise passera. La Bretagne restera, elle
est éternelle. Nous allons nous
revoir, et bientôt».
Dans un coin, une vieille
dame bretonne de Paris pleure.
II y a si longtemps qu´elle attendait cela ! Sans doute, pense-t-
elle à son enfance dans les
écoles de Bretagne lorsque,
surprise à parler la langue de
ses pères, on accrochait à son
cou l´ardoise d´infamie : «breton = cochon».
Et si tout cela n´avait été
qu´un cauchemar ?
Madame le Ministre est partie sur la pointe des pieds, comme une souris. II court, il court, le furet du bois joli...