Quelle invalidité ?
Barème utilisé pour le calcul de l'indemnisation :
1,5% perte 1 dent
30% perte 1 oeil
35% perte pouce droit
50% perte 1 pied
perte 70% perte main droite
100% perte 1 jambe
100% paraplégie
100% cécité













 Il existe de scandaleuses disparités entre civils et militaires pour l'attribution des pensions.

LA REFORME DU DROIT DU HANDICAP

LE RAPPORT REVOLUTIONNAIRE REMIS
AUX POUVOIRS PUBLICS
PAR LE DOCTEUR MELENNEC

EXTRAITS DE PRESSE ET COURRIER

LA LOTERIE DU HANDICAP
(L'EXPRESS, 2 novembre 1995)

S'il est atteint de paraplégie, un militaire peut toucher jusqu'à 160 000 francs par mois.
Le même handicap vaut 6 200 francs pour un civil salarié, 1700 pour un agriculteur.
Le rapport Melennec met en lumière toutes les
anomalies d'un système profondément injuste

Gérard Badou

LES FRANCAIS SE SAVAIENT déjà inégaux devant la maladie. A 35 ans, un cadre peut espérer vivre neuf ans de plus qu'un manceuvre. Comme si la santé d'un individu dépendait plus de son rang hiérarchique que de son taux de cholestérol. Mais il y a plus surprenant. Censé corriger les inégalités, notre système de protection sociale a parfois tendance à les aggraver. Exemple en cas d'accident nécessitant une amputation, la jambe du PDG est évaluée au quadruple de celle de l'ouvrier. Et celle du général au triple de celle du simple soldat. C'est ce que révèle l'étude effectuée par le Dr Louis Melennec, consultant auprès du médiateur de la République. Ce document dénonce d'incroyables incohérences dans l'attribution des pensions d'invalidité. Et, en particulier, de scandaleuses disparités entre les civils et les militaires.
Concernant les civils, le taux d'incapacité donnant lieu à indemnisation d'une infirmité ne peut, en aucun cas, dépasser 100 %. Ce qui correspond, par exemple, à une paralysie totale des quatre membres (tétraplégie), classée « invalidité absolue ». Or, première surprise, il en va tout autrement pour les pensionnés militaires. En vertu d'un système de déplafonnement, ils peuvent bénéficier de taux d'incapacité dépassant 500 % ou 1 000 % - le record atteignant 2 500 % !

Iniquité

A ce stade, un civil serait, depuis belle lurette, considéré comme mort. Le militaire, lui, perçoit une pension d'invalidité proportionnelle au pourcentage octroyé. S'y ajoutent souvent - en fonction d'un calcul nommé « règle des suffixes » - des indemnités accordées pour d'autres affections plus ou moins bénignes. Exemple : un ancien militaire souffre d'une aérophagie contractée sous les drapeaux (70 % d'incapacité). II se plaint, en outre, d'un eczéma intermittent des avant-bras (120 % d'incapacité). Mais voici que se déclarent chez lui des troubles respiratoires chroniques sous forme de sinusite, laryngite, bronchite... qui lui valent bientôt une incapacité supplémentaire de 1 040 %.
Dans des cas de ce type, le cumul des affections peut donner lieu au versement d'indemnités dépassant 10 000 ou même 20 000 francs par mois. « Les petites infirmités font les grosses pensions », commentent Dominique Lewandowski et Patrice Vial dans un rapport de l'Inspection générale des finances. Pour un handicap grave, comme une paraplégie (paralysie des membres inférieurs), la pension militaire la lus élevée a atteint 160 000 francs par mois ! A titre de comparaison, pour une infirmité identique frappant un assuré social du régime général, la pension d'invalidité est de 6 200 francs par mois. Et de 1 700 francs par mois seulement pour un exploitant agricole (voir l'infographie). Ajoutons que, contrairement à ce qui se passe pour les civils, les pensions militaires ne donnent pas lieu à versement de cotisations sociales par les intéressés. Elles sont financées par l'Etat, donc par les contribuables. En outre, elles sont totalement exonérées d'impôt.
A plusieurs reprises, les pouvoirs publics ont tenté de corriger cette incroyable loterie qu'est devenue l'indemnisation des handicaps. En 1980, Maurice Plantier, secrétaire d'Etat aux Anciens Combattants dans le gouvernement de Raymond Barre, proposait une réforme visant à supprimer les abus du régime des pensions militaires. Son projet, qui ne résista pas longtemps aux attaques des associations d'anciens combattants, ne fut même pas discuté par le Parlement. De 1989 à 1991, c'est Michel Charasse, alors ministre délégué aux Finances, qui part à l'assaut des anomalies des pensions militaires. Il parvient à faire voter trois dispositions dans ce sens. Nouvelles protestations des anciens combattants. L'une des réformes sera abrogée par le gouvernement d'Edith Cresson, en décembre 1991. Les deux autres seront assouplies, en 1993, à l'initiative de Philippe Mestre, ministre des Anciens Combattants du gouvernement d'Edouard Balladur.
Aujourd'hui, le rapport Melennec circule dans plusieurs instances : à l'Assemblée nationale, au Sénat, à Matignon, au ministère des Finances, aux Affaires sociales, au Conseil d'Etat, à la Cour des comptes... Les anciens combattants ne vont sans doute pas tarder à battre le rappel, afin d'enrayer cette nouvelle offensive. Mais le climat, désormais, est différent. Au moment où s'engage le débat sur l'avenir de la protection sociale en France, le président Chirac vient d'affirmer que « tout le monde doit être traité de façon égale. Nous avons un problème de justice sociale ». Or, comme l'indique Louis Melennec, « notre système d'indemnisation du handicap est fondamentalement injuste. Sa caractéristique principale est l'iniquité ». A en croire les conclusions du rapporteur, c'est l'ensemble du système qu'il faut réformer. Y compris celui des civils, dans lequel la victime d'un accident de la circulation et l'accidenté du travail souffrant des mêmes lésions ne perçoivent pas la même réparation. La solution ? L'instauration d'un régime unique d'indemnisation qui mettrait enfin un peu d'ordre dans cette brocante juridique qui régit actuellement les pensions d'invalidité, en fonction d'un droit que Louis Melennec qualifie de « franchement imbécile ».

Des pensions du simple... au centuple > Exemples de montants mensuels pour une infirmité identique (paraplégie) Agriculteur Salarié (1) (1) Régime général de la Sécurité sociale Militaire (2) 1200 pensions dépassent ce montant Militaire (3) Le record de la pension la plus élevée



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ACTUALITES

Un rapport explosif

Dans le tumulte du débat sur la Sécurité sociale, on a peu remarqué le dépôt d'une bombe - à retardement : le rapport, révélé par "l'Express", remis aux plus hautes autorités de l'Etat sur l'indemnisation des handicaps. Son auteur, le Docteur Louis Mélennec, juriste et médecin-expert, étudie depuis plus de vingt ans les anomalies du régime français de l'invalidité.
« Supposez qu'une personne se rendant à son travail soit renversée par une voiture et perde un rein. Au titre de la loi Badinter sur les accidents de la voie publique elle se verra attribuer un taux d'incapacité de 5 %. Mais, selon la législation sur les accidents du travail, la Sécurité sociale lui donnera 20 d'incapacité. S'il s'agit d'un fonctionnaire, la perte du rein correspond à 30 % d'incapacité. Et jusqu'à 50 % pour un militaire... » Une véritable "cacophonie" des barèmes médicaux évaluant les dommages corporels, souligne le Docteur Mélennec, qui réclame leur unification.

A ces divers barèmes, appliqués par les administrations et les tribunaux (8 au total, datant de 1887 à 1993), correspondent des indemnisations tout aussi inégalitaires. L'auteur du rapport montre ainsi qu'un exploitant agricole frappé de paraplégie se verra attribuer 1800 F par mois, tandis qu'un salarié du régime général touchera jusqu'à 6 300 F, un accidenté du travail jusqu'à 30 000 F et un pensionné militaire... beaucoup plus : « On a eu connaissance d'un cas où l'indemnité était de 160 000 F par mois. Alors qu'un paraplégique n'ayant jamais travaillé n'a droit qu'à 3 200 F par mois.

Le Dr Mélennec ne demande pas que l'on touche aux droits acquis des pensionnés militaires : 500 000, percevant 20 milliards par an, autant que l'ensemble des handicapés de naissance ou des accidentés sur la voie publique (les accidentés du travail, quant à eux perçoivent 17 milliards et les invalides de la Sécurité sociale 13 milliards.).

L'expert suggère l'abolition progressive des régimes particuliers au profit d'un seul système de réparation basé sur la personne elle-même, ses capacités et ses besoins. « Quelle possibilité a un sujet de gagner sa vie en travaillant ? Voilà ce qui doit nous guider... Si un chauffeur de poids lourd perd quelques dixièmes de vision, d'après les barèmes d'invalidité, c'est peu important, or il va se trouver exclu de sa profession où la vue est capitale. L'équité, c'est alors que la personne invalide soit prise en charge jusqu'à son reclassement. Et si elle ne peut pas travailler, il faudrait qu'elle dispose au moins du Smic. »

La réforme suppose aussi un seul système d'expertise, simplifié mais contradictoire et qui épargne aux victimes des procédures longues et coûteuses. Le docteur Mélennec a procédé à un chiffrage approximatif de ses propositions ; il estime que, avec un niveau égal de protection sociale, la refonte complète du système ferait faire des économies substantielles à la collectivité (15 milliards par an) tout en apportant plus d'égalité et de justice aux personnes concernées.

L'exemple de pays proches comme la Hollande montre que c'est possible. Le dialogue avec les associations et les pouvoirs publics est ouvert.


France de Lagarde



LE CANARD ENCHAINE du 1/11/1995

Note de Louis Mélennec :

Cet article a été publié à la suite de l'entretien avec Michel Charasse à l'Elysée

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Les très chers pensionnés de l'armée française (CANAR ENCHAINE DU 11/11/1995) De la transpiration des pieds aux hémorroïdes, les invalides se ramassent â la pelle. Résultat : l'Etat débourse 20 milliards par an.

Se faire reconnaître invalide - et toucher une pension de 3 654 F Par mois - Pour quelques caries dentaires, c'est possible. Tout comme être déclaré invalide à 10 % parce que l'on transpire des pieds, ou que l'on souffre d'hémorroïdes. Suffit d'être militaire de carrière, de préférence d'un grade élevé et de savoir profiter de l'extraordinaire réglementation des pensions d'invalidité de l'armée. Au total, plus de 500 000 pensionnés militaires coûtent 20 milliards au budget de l'Etat. Pour plus du tiers d'entre eux, l'invalidité n'a rien à voir, ni de près ni de loin, avec une quelconque guerre. Et tous ne sont pas dans un état de décrépitude tel que le laissent penser les taux faramineux de leurs pensions. Pour les civils, l'invalidité ne peut, fort logiquement, dépasser 100 %. Pour les militaires, aucun plafond n'est prévu. Des invalides à 200 %, 500 %, voire 1 000 % ou 2 000 % ne sont pas rares. Le record en la matière est une pension de 1,9 million de francs par an, versée à un invalide à 2 500 %. A comparer avec le maximum accordé par la Sécu, en cas d'incapacité à 100 6 300 F par mois.

Antiquités médicales

Pour fixer le degré d'invalidité d'un postulant, l'armée se réfère à trois barèmes, datant de 1887, 1915 et 1919.
Epoque où les estropiés de la guerre se comptaient par centaines de milliers et où antibiotiques et médicaments modernes n'existaient pas. L'usage veut qu'on retienne le barème le plus favorable au malade.
Pas étonnant si un militaire qui perd un rein est déclaré invalide à 50 %, alors qu'un civil ne bénéficiera que d'un petit 5 %. Les médecins de l'armée sont en outre appelés à faire preuve de « bienveillance » dans l'examen des invalides en puissance.
Ainsi, en 1992, un militaire, brusquement frappé d'anxiété, a fait admettre qu'il s'agissait de la conséquence d'un bombardement survenu en 1944, quarante-huit ans auparavant.
La « présomption d'imputabilité » permet, elle, à un ancien combattant ou à un déporté de se faire pensionner pour n'importe quelle affection. Y compris celles dues à l'âge, tels la diminution de la vue, de l'audition ou les troubles circulatoires.

Une jambe de prix

L'invalide militaire bénéficie en outre de la règle dite des «suffixes ». En gros, il s'agit d'un bonus de 5 % qui s'ajoute à l'indemnisation de toute nouvelle infirmité pour un pensionné à plus de 100 %. Ainsi un banal bourdonnement d'oreille, qui ne vaudrait à lui tout seul que 10 %, a rapporté 110% d'invalidité à un malheureux qui souffrait d'une vingtaine d'infirmités.
Enfin, la règle de l'« immutabilité permet au pensionné, passé un court délai, de conserver éternellement sa pension, même si l'affectation qui l'a motivée a disparu. Comme ce militaire qui touche à la fois pour des diarrhées contractées en Afrique et constipation chronique survenue plus tard. Le taux de la pension dépend du grade. Une jambe de général de division valant trois fois plus cher que celle du simple soldat.

Friandises pour invalides

Pour les militaires en activité - la plupart du temps, ces grands « invalides » continuent à porter l'uniforme -, la pension s'ajoute à la solde. Ce n'est pas le seul avantage. Elle est totalement exonérée d'impôt et de CSG. Et donne droit à de multiples petites gâteries: exonération de la vignette auto, de la redevance télé, demi-part supplémentaire de quotient familial sur la déclaration de revenus, emplois réservés dans l'administration, etc.
L'Inspection générale des Finances s'était penchée, en 1978, sur le sujet. Mais son étude, classée « confidentielle », n'a jamaisété publiée et dort depuis dans les tiroirs.
Cela dit, un rapport médical remis récemment à Matignon donne quelques exemples révélateurs. Cicatrice au front (270 % d'invalidité) : 6 900 F par mois ; troubles digestifs (670 % d'invalidité) 18 136 F par mois; troubles oto-rhinolaryngologiques (1040 % d'invalidité) 26 237 F par mois.
Au total, 1420 pensions dépassent 360 000 F par an, soit près de cinq fois le maximum accordé par la Sécu pour les invalidités à 100 %.
Les civils n'ont qu'à s'engager.


Hervé Martin


• En Italie, selon le quotidien « La Stampa » (cité par « Courrier international » du 26/10), on compte 3 millions de faux invalides
(civils et militaires pensionnés : aveugles chauffeurs de taxi, paralytiques culturistes, etc.
Ces Italiens n'ont pas le sens de la mesure.





Pension en famille


Si on commence à parler de ça, c'est tout le système qui saute. » Le médecin général Pierre Wetges, le patron du service de santé les armées, a eu un petit moment l'affolement, en juin dernier. Il venait l'apprendre qu'un capitaine partait en croisade contre le climat de complaisance régnant à l'hôpital militaire Laveyran de Marseille dans l'attribuion des pensions d'invalidité.
Les « invalides » ayant souvent une santé de fer, l'incorruptible toubib s'est mis en tête de supprimer des pensions fantaisistes dont une à 75 %. Son heureux bénéficiaire a aussitôt attaqué cette décision impitoyable devant les tribunaux. La contre-expertise l'a achevé. Ne lui demandait-on pas de embourser 600 000 F ?
Le capitaine a fini par rédiger un apport de sept pages pour ses chefs au service de santé des armées. Il a été convoqué à Paris et prié de la fermer.
Agacé, l'entêté s'est fendu au début de l'été d'une belle lettre à Juppé, dans laquelle il expliquait qu'avec les sommes distribuées à ces malades imaginaires on pourrait créer trente emplois à l'hôpital.
A la mi-septembre, le capitaine est reconvoqué, et cette fois à Matignon. Il raconte l'ambiance de franche camaraderie qui règne à Laveyran. Dernier exemple en date : au retour des vacances, un photographe de l'hosto se fait une entorse bénigne. Le patron du service d'orthopédie lui attribue aussi sec une pension de 10%.
Chez Juppé, on aimerait crever l'abcès et on a interrogé les militaires. Mais le service de santé des armées, invalide lui aussi, fait de la résistance.
Quant au jeune capitaine, il a été muté, mais il va passer commandant dans des délais record. Une promotion, bien sûr.




Balladur aux petits soins

Depuis les années 20, des hommes politiques ont périodiquement - et sans succès - tenté de remettre un peu d'ordre dans le système des pensions militaires. Dernier en date Charasse avait fait voter, en 1990, le principe de la révision du montant des pensions en fonction de l'évolution de la maladie, voire de sa disparition. De même, les « suffixes », ces bonus qui tombent en cascade au fil des années à chaque nouvelle infirmité déclarée, étaient fortement limités. Devant la levée de boucliers de nos glorieux soldats, efficacement relayés par certains parlementaires, Balladur a fait machine arrière en 1994, annulant purement et simplement les réformes de Charasse. Pas question de porter atteinte au moral de l'armée.





LETTRE AU CONSEILLER POUR LES AFFAIRES SOCIALES : M. SALAT-BAROUX
Docteur Louis MELENNEC
Certifié d'Etudes Spéciales
de Médecin Légale
Certifié dEtudes spéciales
de Médecine du Travail
Diplômé dEtudes Médicales
Relatives à la Réparation du
Dommage Corporel
Licencié en Droit Diplômé
d'Etudes Supérieures
de Droit Public
Diplômé d'Btudes Supérieures
de Droit Privé
Diplômé d'Etudes Supérieures
de Sciences Criminelles
Ancien Chargé de C'ours à
la Faculté de Médecine Paris


le 23 Novembre 1995
4, rue Clément
- 75006 PARIS
Tél : (1) 43 25 1190 (le matin)


Monsieur SALAT-BAROUX
Conseiller pour les affaires sociales Hôtel MATIGNON
57 rue de Varenne (75007) PARIS
Ancien Chargé dEnseignement des Facultés de Droit



Monsieur le Conseiller,


Je vous adresse donc ci-joint
1. . La proposition de constitution d'un groupe de travail.
2. Un mémoire résumant l'épais rapport que je vous ai remis. Ce document, quoique simplifié, reste malgré tout très technique : la faute en est à cette législation aberrante qui s'est accumulée depuis un siècle.

Je pense qu'il est souhaitable de faire expertiser par les services compétents à la fois mon épais rapport de 200 pages et le rapport simplifié que je vous adresse.

Plusieurs personnes et services m'ont semblé très sensibilisés par le souci d'aboutir à une simplification et à un rééquilibrage de la législation :
- Ministère de la Justice: Madame Sylvie Ceccaldi
- Cour des comptes : M. Driol, président de la chambre sociale.
- Caisse nationale de l'assurance maladie : M. RAMEIX, directeur.

Pour le moment je n'ai identifié, ni au ministère des affaires sociales ni au ministère des finances, d'interlocuteurs ayant à la fois une vue globalisante du problème et le souci de l'intérêt national dans cette affaire, qui coûte à la collectivité 100 milliards par an.

Je poursuis mes investigations.

Je crois devoir vous redire que mon travail représente 25 années de réflexions, et que durant les trois années de rédaction de mon rapport, j'ai eu le privilège de m'entretenir avec près de 200 spécialistes, presque tous très hautement qualifiés. Il ne s'agit pas d'un travail d'intellectuel, mais d'un homme de terrain.

Ceci pour souligner que les inéluctables résistances ne doivent en aucun cas effrayer : la réforme m'apparaît impérativement nécessaire, dans l'intérêt de tous.

Recevez, Monsieur le Conseiller, l'assurance de mon respect, et de mes cordiaux sentiments

Docteur Louis MELENNEC
Consultant près le Médiateur de la République









Proposition pour la constitution d'un groupe de travail en vue de l'instauration d'un régime unique de l'invalidité et de la dépendance.

L'indemnisation du handicap, sous toutes ses formes, se fait à l'heure actuelle d'une manière aussi diverse que multiforme. Cette situation résulte de l'accumulation, côte à côte, depuis un siècle, de législations au fur et à mesure des besoins, sans aucune vue d'ensemble : accidents du travail et maladies professionnelles, assurance invalidité, loi Badinter, lois indemnisant les victimes d'infractions, les attentats, le sida, etc...

La juxtaposition de ces textes, non seulement crée une situation confuse, mais engendre des inégalités importantes pour des situations pourtant identiques.

Il apparaît opportun de créer un groupe de travail qui aura pour mission

1. D'établir un bilan clair de la situation actuelle ;

2. D'étudier de quelle manière pourrait être mis sur pied un régime unique de l'invalidité et de la dépendance;

3. Dans l'hypothèse où ce régime ne pourrait être instauré d'emblée, de proposer les étapes intermédiaires permettant de clarifier et de simplifier la législation, tout en la rendant plus équitable.



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LE MAGAZINE DE LA
FAMILLE ET DU HANDICAP

REVUE "DECLIC FAMILLES ET HANDICAP" (décembre 1995)

LE RAPPORT MELENNEC SUR LE HANDICAP:Une bombe à retardement.

Quinze milliards d'économies par an!

LE RAPPORT MELENNEC / ABOLIR TOUT CE QUI EXISTE

Les Français égaux face au handicap ?

En 300 pages le docteur Louis Melennec fait table rase du système français d'indemnisation du handicap: trop inégalitaire !

A la place, il propose une loi unique qui prendrait en compte le seul handicap.

Les Français égaux devant la sécurité sociale?

Voire. Soit, en effet, trois individus atteints de paraplégie : l'un est militaire, l'autre salarié relevant i régime général de la sécurité ciale, le troisième, enfin, agriculteur.

Le militaire, s'il bénéficie de la pension la plus élevée, touche 160 000 francs par mois, le salarié, 6 200 francs, l'agriculteur, 1700 francs.

Une différence de un à cent. Et pour le même handicap. C'est à ces incohérences dans l'attribution des pensions d'invalidités, et qui ne concernent pas les seuls militaires, que s'est attaqué le docteur Louis Melennec.
D'abord dans un rapport remis en 1995 aux pouvoirs publics, puis dans un livre, "L´Indemnisation du handicap" (1), publié au début de l'année.

En 300 pages, Louis Melenec pointe les effets pervers du sytème actuel et plaide pour une loi unique d'indemnisation du handicap et du dommage corporel. En clair : à dommage égal, indemnisation égale. A partir de principes pourtant simples et justes le législateur et l'administration "ont procédé par adjonction de lois et de règlements sans véritable vision d'ensemble" analyse Louis Mélennec.
Résultat : "Un monstrueux château de cartes" et "un droit franchement imbécile".

La solution? Louis Mélennec n'y va pas par quatre chemins : "La révolution.''
Bref, il faut "abolir tout ce qui existe", le droit de la responsabilité civile comme les régimes sociaux concernés.
Ainsi : "La loi nouvelle ne distinguera plus entre agriculteurs, civils, militaires, accidentés du travail ou accidentés de la route." On considérera simplement le handicap et ses conséquences, à l'instar de pays comme la Nouvelle-Zélande ou Israél qui ont su réformer leur droit social.
"Une personne atteinte dans sa santé est confrontée à trois problèmes que la société doit résoudre. Tout d'abord, elle doit la soigner. Ensuite, si la personne a interrompu son travail, la société doit prendre en charge une partie de son salaire. Enfin, elle doit lui permettre de vivre décemment en indemnisant son handicap en fonction de sa gravité" explique-t-il encore.
Précision "abolir tout ce qui existe" ne signifie pas que l'on toucherait aux avantages acquis. La réforme n'aurait pas d'effet rétroactif. Une manière peut-être de prévenir les résistances, notamment des associations d'anciens combattants.

L'auteur est persuadé que "ces idées gagnent du terrain". Le rapport a été généralement favorablement accueilli. Et la Cour des comptes, planche sur le sujet.

J.Y.R.
DECLIC LE MAGAZINE DE IA FAMILLE ET DU HANDICAP

(1)Indemnisation du handicap, Desclée de Brouwer, collection handicaps, 150 F



Un essai décapant: le rapport du Dr Mélennec


Pour une loi unique d'indemnisation du handicap et du dommage corporel

Ce rapport a été remis aux services du Premier ministre, au ministère des Finances, à l'inspection générale des finances, aux ministères des Affaires sociales, de la justice, à la chambre sociale de la Cour des comptes, à la chambre sociale du Conseil d'État, à la Commission des finances de lAssemblée nationale et à la Commission des affaires sociales du Sénat

Le docteur Louis Mélennec, consultant près le médiateur de la République, vient de rédiger un rapport percutant sur le système français d'indemnisation du handicap et du dommage corporel, atomisé en régimes disparates, dont les incohérences sont analysées et dénoncées avec férocité. L'auteur se livre, avec une jubilation certaine, à un véritable jeu de massacre sur les règles d'un « droit franchement imbécile ».
Pourtant il ne s'agit pas d'un pamphlet, mais d'une étude menée sur la base d'analyses rigoureuses axées principalement sur le droit commun de la responsabilité civile, le droit social des régimes d'assurance maladie et de l'assurance invalidité et enfin le droit très particulier des pensions militaires.
On ne peut qu'être totalement d'accord avec le docteur Mélennec sur certains aspects médicolégaux : ainsi la multiplicité des barèmes médicaux d'évaluation selon les régimes est indéfendable. L'atteinte à l'intégrité physique est une donnée objective, et le barème médical d'évaluation de l'incapacité physique doit être un véritable étalon de mesure, c'est-à-dire objectif, unique et universel.
On ne peut également qu'être convaincu par la minutieuse dissection au scalpel et de l'ahurissant régime des pensions militaires, dont les extravagances laissent e juriste incrédule.
On ne peut enfin qu'être atterré en découvrant que pour un même handicap, l'indemnisation sociale peut aller de un à cent entre un agriculteur et un pensionné militaire.
En revanche, certaines critiques relatives au droit de la responsabilité civile méritent discussion.
Ainsi le principe dit « de la réparation intégrale » suscite la verve récurrente de l'auteur. II semble néanmoins que la portée de ce principe, qui a une valeur symbolique reconnue dans tous les droits occidentaux, doit être précisée. Pour nous, il s'énonce simplement comme l'indemnisation complète de préjudices réels et prouvés, appréciés in concreto. Dès lors il est clair que sa dérive en indemnisation de préjudices plus ou moins imaginaires, appréciés de manière forfaitaire ou in abstracto, en est une caricature.
Pour autant, la controverse peut rebondir sur la détermination, l'évaluation et la réparation des divers types de préjudices.
Pour les préjudices économiques, on souscrira évidemment à la recherche d'une indemnisation in concreto des pertes de revenus consécutives à l'accident et dont la réalité et l'importance sont totalement distinctes du taux d'incapacité physique.
Cependant l'affirmation selon laquelle l'indemnisation se résout, pour l'essentiel, par la compensation d'une « perte de gains » n'est topique que pour les régimes sociaux.
A notre sens elle ne doit ni nier ni occulter la dimension ontologique des préjudices moraux consécutifs à une atteinte à l'intégrité physique et psychique de la personne humaine : les sarcasmes de l'auteur sur le préjudice d'agrément et son dédain pour le pretium doloris ne nous convainquent pas.
En revanche, nous sommes d'accord avec un regroupement de tous les préjudices moraux autour de l'incapacité physique : c'est précisément pour éviter une regrettable multiplication des chefs de préjudices non économiques que le Fonds d'indemnisation des victimes de transfusions sanguines par le VIH a synthétisé tous les chefs de préjudices moraux imaginables sous le concept unique de « préjudices de contamination ».
Reste la conclusion. Faisant table rase de tout ce qui existe, l'auteur préconise notamment de « faire disparaitre du paysage juridique français » le droit de la responsabilité civile avec tous les régimes sociaux critiqués, pour reconstruire un système unitaire harmonieux et cohérent.
Le juriste frémit, car il sait que les mentalités et les traditions ont leurs pesanteurs, mais aussi leurs prudences, et que parfois les évolutions partielles valent mieux que les révolutions universelles.
Pour autant, ce rapport d'une inexorable sévérité, étayée par l'analyse intellectuelle et l'expérience personnelle de l'auteur, devrait obliger aussi bien les pouvoirs publics que les spécialistes du droit social et les juristes du dommage corporel à une réflexion sans concession sur toutes les incohérences ainsi stigmatisées.
De bonnes pages de ce rapport feront l'objet d'une publication prochaine dans les colonnes de Médecine & Droit

Yvonne Lambert-Faivre
Professeur émérite à l'université jean-Moulin, Lyon III
Ancien Recteur de l'Université de Lyon

MÉDECINE & DROIT n°15 -1995