Sans doute le temps va-t-il nous manquer pour publier le compte-rendu détaillé du colloque tenu au Sénat le 14 avril 2003. La salle était comble, les débats ont été suivis avec une attention soutenue parfois avec passion(1).
A défaut de texte plus précis, pour le moment, je publie ci-après la lettre adressée à Armand
MONTEBOURG qui, invité, fait part de son regret de ne pouvoir venir, mais avec qui le
débat se poursuivra un peu plus tard. Cette lettre résume ce qui s'est dit à la tribune, avec le
plein accord des auditeurs.
Monsieur le Député,
Je vous remercie pour votre lettre. Bien qu'il y ait apparence que nos idées sont notablement
divergentes sur de nombreux points - en particulier le devenir de nos institutions -, j'ai
beaucoup regretté, tout en comprenant les contraintes de votre emploi du temps, que vous
n'ayez pu être présent lors du colloque que nous avons organisé le 14 avril dernier.
Vous aviez beaucoup à dire sur le fonctionnement de la justice Française ( hélas! ), en votre
triple qualité d'avocat, de député, d'homme informé de ces choses qui ne filtrent que par
bribes dans la presse.
Depuis lors, j'ai lu votre livre, « la machine à trahir ». Quoique j'ai pu concevoir des doutes
dans le passé sur vos convictions dans le domaine de la justice, il y dans votre texte un accent
de sincérité qui ne peut émaner que d'un honnête homme. Je vois que nos exigences,
s'agissant des tribunaux et des magistrats, sont les mêmes, quant à la conviction avec laquelle
nous souhaitons des réformes radicales dans les moeurs judiciaires.
Nous ne publierons pas les actes du colloque. Mais je peux d'ores et déjà vous faire part de
nos conclusions, quant aux réformes que nous souhaitons voir mettre en oeuvre pour la
responsabilité des magistrats :
1 - Jusqu'à ce jour, les juges ont bénéficié d'immunités de toutes natures. Les unes tiennent aux textes eux-mêmes ; les autres à la jurisprudence qu'ils ont sécrétée. Les autres aux constantes manoeuvres dilatoires mises en oeuvre pour empêcher les actions dirigées contre
eux d'aboutir. Ils sont juges et parties, ce qui est monstrueux. TOUT CET EDIFICE DOIT
DISPARAITRE: la loi est la même pour tous; il serait INACCEPTABLE que l'on élabore
pour eux un énième régime de responsabilité qui, une fois de plus, les mettrait à l'abri de la
sanction de leurs fautes, ou continuerait à imputer la réparation des dégâts commis par eux à
l'Etat, c'est à dire aux contribuables.
Nous demandons que la responsabilité des magistrats soit la même - strictement LA MEME -,
que celle des autres citoyens, sans aucun régime de faveur. L'évolution des idées exige qu'ils relèvent de la loi commune, puisque la Constitution, les déclarations universelles des droits, le droit Européen imposent l'égalité de tous devant la loi, et que deux situations juridiquement identiques doivent être juridiquement traitées de la même manière.
Voilà, certes, qui ne déplaira ni à votre groupe politique, ni à vous même.
2 -Le second point est aussi important que le premier. Jusqu'à présent, les magistrats ont été jugés par leurs pairs, c'est à dire par eux mêmes. De là les étonnantes décisions prononcées
dans des affaires dans lesquelles la culpabilité des intéressés, avouée par eux-mêmes,
proclamée "urbi et orbi", a débouché sur des acquittements, sur des absolutions ou des quasi-acquittements. L'une des dernières concerne ce juge du midi de la France, qui aval
communiqué à des tiers, des documents secrets, et qui à la stupeur de toute la France, a
bénéficié d'un "avertissement", là où le code pénal prévoit de lourdes peines de prison et d'amende, et le droit disciplinaire l'éviction immédiate, avec privation des droits à retraite.
Les Français exigent, dans ces affaires qui touchent à ce que la vie en commun comporte de
plus fondamental - la justice, et l'impératif devoir pour ceux qui ont reçu mandat des citoyens
pour l'administrer de se comporter d'une manière irréprochable -, que la compétence pour
décider du sort des magistrats fautifs, soit ôtée aux iuges professionnels, et qu'elle soit confiée soit à des juridictions populaires (comme les cours d'assises), soit à des juridictions paritaires, composées de justiciables et, de juges, ces derniers, toutefois, en plus petit nombre que les citoyens, afin d'empêcher toute forme de manipulation ou de décisions inéquitables(2).
Je suis convaincu que ces propositions vont susciter une large approbation de nos
concitoyens ; elles reflètent le souci d'aboutir à une solution satisfaisante pour tous, sans
aucun esprit partisan.
Je suis prêt à déférer à l'invitation que votre groupe pourrait m'adresser, aux fins de vous faire part de mes réflcxioits. Je ne pense pas que la majorité actuelle s'empresse d'y donner suite,
quoique je sois plus proche d'elle que de vous.
Recevez, monsieur le Député, l'assurance de mes cordiaux sentiments.
(1) ce colloque a été conçu et organisé par nos soins, et a pu être mené à bien avec le concours de personnalités éminentes: M.M. Reichman, Gallot, Temple. Afin d'en faire bénéficier l'Association Nationale des Victimes de l'Insécurité, et de renforcer son image, nous avons placé le colloque sous son égide.
(2) cette deuxième solution a ma préférence.